Et si les experts étaient expertisés?

Et si les experts étaient expertisés?

24 octobre 2012 0 Par Jean-Pierre Jusselme

L’enquete du professeur Seralini est sous les feux de l’actualité. Elle révèle un mouvement de fond porté par la Fondation Sciences Citoyennes, et une opposition farouche de la technoscience. La propostion de de loi sur la défense des donneurs d’ alerte et sur la déontologie de l’expertise vient d’être retoquée par le Sénat. Pourparlers ouvre le dossier. Avec Jacques Testard, président de la Fondation http://sciencescitoyennes.org

Le Sénat retoque l’expertise indépendante

En Rhône alpes, la Fondation s’était opposée à la fermeture du Registre des Malformations congénitales de Rhône-Alpes (REMERA). Sur un de ses combats de longue haleine,  la Fondation Sciences Citoyennes vient d’essuyer un revers sévère. Mardi 9 octobre, la commission du développement durable du Sénat a en effet retoqué la proposition de loi portée par EELV qui prévoyait la création d’une Haute autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte. Rencontre avec Jacques Testard, président de la Fondation sciences citoyennes.

La Fondation a fait un proposition de loi sur la défense des donneurs d’ alerte et sur la déontologie de l’expertise. Pourquoi cette démarche ?
La Fondation a travaillé 5 années sur ce projet de loi. Dans les questions d’éthiques liées aux choix technologiques, l’opinion publique est manipulée par les médias. Le référendum et le micro trottoir sont fabriqués par les médias. Les Etats généraux pour la révision des lois de bioéthique et le Grenelle de l’environnement ont été des leurres démocratiques. Certes, la procédure légale est le débat public. Il y a une Commission nationale du débat public. http://www.debatpublic.fr/, mais le débat ne permet pas de connaître la position des populations, mais d’entendre tous les porteurs d’intérêt, les lobbys, les militants, les industriels, les chercheurs. Et surtout les experts….
Derrière c’est la question de l’expertise qui est remise en cause ?
Il n’y a pas de réglementation sérieuse de l’expertise en France. L’expertise, c’est une tautologie : c’est ce que la parole des experts. Or,  il y a une idéologie de l’expertise et des conflits intérêts. Il est difficile pour eux de casser la branche sur laquelle ils sont assis . La fondation propose une nouvelle déontologie de l’expertise, qui associe des experts classiques, mais aussi des gens du milieu associatif et des citoyens initiés et éclairés grâce à d’autres connaissances, venant des sciences humaines et sociales.
Que sont les conventions de citoyens ?
La Fondation propose des conventions de citoyens. Elles  existent depuis 20 ans ans au Danemark. Elles seraient composées d’ un échantillon de population représentatif de la population française. Ces citoyens recevraient une formation sérieuse. Ils seraient initiés mais préservés des pressions des lobbies.Le problème technique n’est pas seulement un technique mais un problème de société Ils entendraient des psychologues, des historiens des anthropologues qui donneraient un point de vue sur l’utilité sociale et les conséquences. Ils pourront ensuite donner un avis, consultatif ou obligatoire qui oriente ensuite la fabrication de la loi .Les conventions de citoyens pourraient être généralisées aux autres domaines de la vie en société.
Quelle serait la mission d’une Haute autorité de l’expertise ?
La mission de la Haute autorité de l’expertise et de l’alerte ne serait pas de faire des expertises mais de définir les règles de déontologie. Ce serait une espèce de comité d’éthique de l’expertise. Elle veillerait ensuite au respect des règles. Dans le même temps, cette commission protégerait les lanceurs d’alerte.

Christian velot, lanceur d’alerte sur les OGM

Dans le proposition de loi qui a été retoquée par la commision du sénat, il y a la définition et la protection des « lanceurs d’alerte ». Quelle seraient leurs missions ? Et pourquoi les protéger ?

Les lanceurs d’alerte sont des vigies. Ils sont informés avant tout le monde, d’un risque sanitaire ou environnementale. Ils peuvent être chercheurs, techniciens de l’industrie, journalistes comme Zola. Parmi les lanceurs d’alerte, il y a Christian Velot ou André Cicocella qui est le chimiste qui s’est battu contre les éthers de glycol et autres saloperies de l’alimentation. En révélant le risque, ils se trouvent exposé à la vindicte de ceux que celà gêne (labo pharmaceutique, patrons, collègues qui craignent pour la réputation trouvent que dans une période de compétitivité à outrance c’est pas le moment de dire du mal de la boîte.Le « lanceur d’alertes » devient un militant obstiné mais en oppositions. Il est seul devant ses collégues. Il est mis dans un placard comme Seralini. Le projet vise à protéger les lanceurs mais surtout leur alerte. Car il faut qu’elle soit ensuite expertisée.
Propos recueillis par Jean-Pierre Jusselme