L’IVG du Grenelle
26 octobre 2012 0 Par Jean-Pierre Jusselme Situé sur la commune de Saint-Genest-Malifaux, le barrage est en cours de réhabilitation à l’emplacement de l’ancien barrage-voûte des Plats, édifié en 1958. Il est destiné à sécuriser la ressource en eau des communes du barrage des Plats et alimenter la dizaine de communes du Syndicat des Eaux de la Semène. Pourparlers ouvre le 1er acte avec le feuilleton de la gouvernance.
Antoine Lardon l'eau est un bien commun from Pourparlers on Vimeo.
Pour Antoine Lardon, l’arrêté prefectoral est illégal. Pour autant, à deux reprises, la légalité du projet a été estampillé et les associations et les institutions d’expertises indépendantes ont été mises dans les cordes par les tenants du projet : par l’arrêté préfectoral du 12 avril, par une décision du Tribunal administratif. Est-ce la fin des hostilités?
Où il est question de l’expertise
Le Pilat, la Haute-Loire et la Loire aura eu sa Bataille d’Hernani entre Anciens et modernes. Depuis 2006, les « pros » et les « antis » ferraillent dans une guerre des Gaules pécheresse. Courriers, pétitions, communiqués de presse, sites internet, débats internes aux conseils et aux syndicats, l’eau et la boue pleuvent sur le Pilat, l’Ondaine et la Haute-Loire. Au risque du bruit parfois, le soap ligérien et altiligérien oppose deux clans : des édiles satrapes bétonneurs, héritiers d’un modèle de développement des années 50 et de farouches opposants écolos défendant une certaine idée de la ressource en eau.
LARDON,astreintes de l'Europe dans couts cachés from Pourparlers on Vimeo.
La procédure administrative ne sert-elle ici qu’à valider des choix ficelés en secret ? L’action et les droits de la société civile, des ONG du Collectif Loire Amont Vivante qui travaillent avec divers experts, scientifiques, élus pour étudier les alternatives au bétonnage sont-ils un simple élément de décor ? Plus préoccupant, les avis de divers services et établissements publics, pour la plupart très réservés en amont sur le projet, sont-ils argumentés pour faire figuration ? » ironise le CLAV en juin. « Depuis 2005, aucune ONG, aucun organisme scientifique indépendant n’a été invité, sous quelque forme que ce soit, en quelque lieu que ce soit, à participer à l’élaboration d’un quelconque plan de gestion de la ressource pour la Semène, dans aucun des cadres réglementaires en place, comme par exemple celui du SAGE Loire en Rhône-Alpes» explique Martin Arnould représentant du WWF. Au fond, deux types de légitimité s’affrontent : la société civile épaulée par les réseaux sociaux et les réseaux associatifs dans l’esprit du Grenelle vs les élus de la République appuyé sur le poids de l’Etat et son expertise légaliste. Depuis 2005, le ton monte entre les élus porteurs du projet et les associations (les fédérations de pêche de la Loire et de la Haute-Loire, la Frapna Loire, SOS Loire Vivante, le WWF, le Club des Pêcheurs Sportifs Forez Velay, le Cdafal) rassemblées au sein du CLAV ( Collectif Loire Amont Vivante) opposé à la réhabilitation. Les uns ont le sentiment d’avoir beaucoup écouté et consulté. Les autres ont la conviction de ne pas avoir été entendus. Entre les deux, la masse informe des citoyens, plus ou moins conscientisés à propos des enjeux du débat.
Avec Philippe Estingoy, fermeture des bans
L’Etat se défausse sur le pétitionnaire des consultations. by Pourparlers on Mixcloud
derogations from Pourparlers on Vimeo.
[pullquote align= »right »] »En catimini s’est joué une action de lobbying intense » glisse agacé Philippe Estingoy[/pullquote]Dans cette guerre pichrocholine, toutes les armes auront été bonnes. Une guerre lasse que souhaite clôre l’actuel DDT. « En catimini s’est joué une action de lobbying intense » glisse agacé Philippe Estingoy, actuel directeur de la DDT. A la question avez-vous étudié les questions du business plan et de l’intérêt général de préserver une ressource rare et fragile, la réponse est tranchée. « L’Etat est en arbitre des normes de sécurité et d’environnement. Il n’a pas à se subsitituer au pétitionnaire ». Après les années Olivier Frérot (ancien directeur de la DDT) sensible aux dimensions citoyennes et environnementales viendront les années Estingoy. Là, le vent tourne. Les oreilles de l’Etat se bouchent, les yeux se ferment. Il faut classer ce dossier. Avec le nouveau DDT de la Loire, Philippe Estingoy, c’est la fermeture assumée des bans.
Stop aux débats et aux arguties des opposants. Le commissaire enquêteur remet au printemps un avis très favorable à la solution proposée par le pétitionnaire. Fi des sérieuses réserves de la DDT de Haute-Loire, Agence de l’Eau Loire Bretagne, Dreal Rhône-Alpes. Les associations entrent en résistance, caressant un moment l’idée d’opérations coups de poing sur le site du barrage des Plats à Saint-Genest Malifaux. Pour en arriver à ce KO technique, par quoi sera t-on passé ?
Pas de quoi fouetter un chat citoyen ?
Le respect des formes est acquis dans des formes les plus classiques : réunions publiques, enquête publique, avis d’autorité, décisions des conseils, police de l’Etat. Jean-Paul Matray, commissaire-enquêteur, a comptabilisé 88 observations déposées dans les registres. Il a ajouté 105 courriers et a pris acte des deux pétitions concurrentes : celle du collectif Loire Amont Vivante (1575 signatures contre le projet) et celle émanant des habitants du canton de Saint-Genest-Malifaux et certaines communes de Haute-Loire (1954 signatures favorables à la réhabilitation). Pour la commune de Saint Genest Malifaux, l’enquête publique s’est tenu du 31 janvier au 2 mars 2012 inclus. Les règles formelles ont été respectées : affichage en mairie, temps de présence du commissaire-enquêteur, réunions publiques le 7 janvier 2012.
Les associations jouent l’open data
Pour contrer ce rouleau-compresseur, les associations ont porté le fers sur tous le front du Net et de l’open data.. La bataille a désertée des ors de la République vers les salons d’Internet, lieu de la résistance citoyenne. Le site http://loireamontvivante.fr tient les minutes du « process ». Le ton est alors moins académique , les réquisitoires se musclent, les paroles se délient. Derrière les manettes, Roland Niccoli a le secret espoir de réveiller les consciences de la presse locale. « Toutes les pièces sont versées sur le blog, mais la mayonnaise prend peu à l’échelle locale, déplore Roland Niccoli /« L’affaire du barrage a manqué le train du Grenelle. ». La transparence est assumée. La compétence est au rendez-vous. Le blog met à disposition les pièces à charge et décharge. Tout tombe à point à qui sait lire : le courrier de Jean Malet ( ci dessous), les argumentaires anti-barrages, des documents en open-data. Sans résultats. Les chiens écolos aboient, la caravane passe.
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Alors que les associations mènent la bataille retranchée du Net, les élus arpentent les terrains de leurs électeurs.
Chaque arpent de légitimité est acquis de guerre lasse. Les élus montent au front avec leurs armes. Ils convoquent la presse locale, prise elle aussi dans ses conflits de loyauté et qui sera plus royaliste que le Roi. Le Progrès titre « la population est mobilisée et veut son barrage ». RCF lors de ses émissions d’été délocalisées plaide également pour le référendum populaire, et cautionne la réhabilitation. Dino Cinieri et Daniel Mandon,en tête du cortège, ripostent et ironisent. Par la magie de la plume, Daniel Mandon fait mouche. Pour bétonner le dossier, et à quelques mois de la décision préfectorale, les élus du Pilat lancent un vaste opération de communication, et en appellent à l’opinion publique comme arbitres. Au printemps 2012, temps de l’enquête publique et des votes des conseils municipaux, une pétition circule dans le Pilat. Démocratie suisse ? Làs, les résultats ne font aucun doute. Ce fut un véritable plébiscite pour la réhabilitation. A Saint Just Malmont, 775 pour. A Saint Genest Malifaux plus de 700. 200 à Marlhes et Saint Romain les Atheux. 250 à Jonzieux. Entre élus locaux et écolos hors sols, le peuple a tranché. Le collectif de son côté a lancé une pétition qui a recueillie 1575 signatures contre 1954 signatures pour. « Ce sont 42,36 % contre 57,64 % », le commissaire a fait des calculs précis : la majorité veut cimenter la Semène. Les élus, Daniel Mandon en tête, s’appuient sur cette majorité silencieuse, jouant l’opposition du pays réel aux fantasmes des écolos. Vox populi, vox Dei.
Les arguments spécieux des élus
[pullquote align= »right »]«Nous, élus, finançons le Sicala, un syndicat qui, par la voix de ses techniciens, est complètement opposé au projet. Je pose la question de savoir si nous devons continuer à financer des structures qui sont opposées aux positions que nous avons ! »
Régis Bonnefoy, maire adjoint de Jonzieux et vice-président du Syndicat des eaux de la Semène[/pullquote]Le commissaire aura sans doute entendu également les voix favorables des élus. Une sainte alliance des élus clament son désir de barrage. Aux risques d’arguments très spécieux, irrationnels, inadaptés aux enjeux et au motif réel du projet. Régis Bonnefoy, maire adjoint de Jonzieux et vice-président du Syndicat des eaux de la Semène, a un raisonnement incroyable dans une démocratie rationnelle : « Nous, élus, finançons le Sicala (Syndicat intercommunal d’aménagement de la Loire et de ses affluents de Haute-Loire). Un syndicat qui, par la voix de ses techniciens, est complètement opposé au projet. Je pose la question de savoir si nous devons continuer à financer des structures qui sont opposées aux positions que nous avons ! » En clair, les payeurs sont les experts !Monique Vigouroux, première adjointe à Saint-Genest-Malifaux, rappelle la « mobilisation des commerçants de sa commune se sont mobilisés pour l’intérêt que présente ce barrage, tant en termes d’économie que d’environnement ou de tourisme. » Dans la foulée, le conseil municipal de Saint Genest malifaux, chauffé à blanc par son maire Daniel Mandon a adoubé le projet compte tenu de l’importance pour « la vie économique et touristique ». Ce voeu unanime s’est exprimé à une réserve près : « que le chemin d’accès au barrage ainsi que l’ensemble des ouvrages y compris la canalisation qui ceinture le tour du barrage soit entretenu par le Syndicat des Barrages conformément aux engagements antérieurs de la ville de FIRMINY. » En somme, la commune de saint genest malifaux veut bien le barrage, mais pas en payer la facture. Le beurre du tourisme, mais pas la facture de la crèmerie? Argument spécieux dénoncé par Solange Ménigot du CDAFAL
A quelle sirène Jean-Paul Matray aura t-il été le plus attentif?
Au terme de la procédure, Jean-Paul Matray rend donc un verdict très favorable le 12 avril à Fabienne Buccio préfète de la Loire. Il plaide « d’une solution technique durable. Le barrage constitue une ressource en eau gravitaire de qualité, destinée à la consommation humaine, tout en préservant les espèces aquatiques. En outre, il est également destiné à la défense contre l’incendie. ». Sans détailler en un business plan opérationnel, il reprend les arguments du pétitionnaire : solution la plus économique en coût d’investissement ou en prix de vente de l’eau aux usagers, autonomie de gestion publique de l’eau pour le syndicat des barrages et le syndicat des eaux de la Semène, meilleure prise en compte de l’intérêt général et de celui des usagers. » Loin de ce quiétisme, la DREAL pointe la légéreté du travail et aurait souhaité des approfondissements et une prise en compte de tous les enjeux. La gestion du dossier signe t-elle l’IVG du Grenelle de l’environnement ?
Jean-Pierre Jusselme
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À propos de l’auteur
Pourparlers est son troisième enfant numérique. Après une webradio éphémère, "Radio Libertés", et une régie mulitmédia "CPC 3.00", l'heureux papa est ravi de partager la venue au monde de www.pourparlers.eu. Ce dernier venu entre sur la Toile et fait ses 1eres dents. Il passe déjà en mode "rebelle". A suivre...