Des costards pour Bernard Arnault
2 mars 2016Une heure trente pour faire entendre la petite musique de la France d’en bas. Le film de François Ruffin « Merci patron » fait du bruit. Séance réjouissante au Mélies Saint-François à Saint-Etienne.
Spoilons « Merci patron ». Les Klur, dont la maison va être saisie faute de revenus depuis que Serge et Jocelyne klur ont été licenciés d’une filiale textile du groupe en 2008, écrit à Bernard Arnault pour le menacer d’alerter la presse sur leur situation s’ils ne reçoivent pas une aide de sa part : 35 000 euros et un emploi. Surprise : cela marche.
Des costards pour Bernard Arnault

Les classes populaires ont en moyenne 7 minutes de temps d’antenne tous les deux jours
« Merci Patron » habille Bernard Arnault pour l’hiver. « Merci patron » est savoureux et potache, socialement engagé et profond ! Tout à la fois. Et sans restrictions.Le réalisateur novice, François Ruffin, clone hybride de Mikael Moore -casquette, Tee-shirt- et de Jean-Yves Lafesse – absurdité de caméras cachées- mène le bal utilisant la caméra cachée, l’imposture téléphonique, l’action et la performance.
Financé par les lecteurs, Merci patron a été produit par Mille et Une Productions (« Le cauchemar de Darwin », « Les chèvres de ma mère ») et comme distributeur Jour2Fête (« Free Angela », « Les rêves dansants », « Des abeilles et des hommes »). »Merci patron » est en tournée. François Ruffin accompagne une projection sur deux. Il était présent au grand bonheur d’une salle Saint-François comblée. Le journaliste met le doigt sur le talon d’Achille du Prince Bernard Arnault. L’amateur des Arts et du Luxe, n’est autre qu’un vampire froid, qui ne craint rien tant que le scandale. La seconde plus grande fortune de l’Hexagone (Forbes), Bernard Arnault, est un capitaliste sans scrupules, boucher à la découpe de grands groupes français dont Boussac (Conforama, La Belle Jardinière, Dior). La fortune personnelle de Bernard Arnault est estimée à plus de 33 milliards d’euros, en hausse de plus de 9 Milliards en 2015. Derrière sa barrière de vigiles et de luxe froid -scène d’anthologie entre vendeuses de la Samaritaine et mannequins anémiées atteintes de dandysme anxieux-, l’évadé fiscal apparait courbé comme un vampire opiacé,éthérée réplique dans la France de Houellebecq de Jean des Esseintes, l’antihéros maladif, esthète et excentrique de Huysmans Le second héros est Ruffin, lui même. Solaire, joyeux, décomplexé et dionysiaque. François Ruffin est rédacteur en chef, journaliste et animateur du journal Fakir, «fâché avec tout le monde ou presque». Tiré à 140 000 exemplaires, Fakir est un trimestriel clairement marqué à gauche. François Ruffin y publie des reportages, s’y engage auprès des travailleurs, et y élabore ses réflexions sur ce que doit être le mouvement social aujourd’hui.
Les seconds rôles

Jamet, un second rôle parfait
Les seconds rôles sont « oscarisables ». Les cadreurs ont saisi les moments de détresse et les emportements lyriques de Serge et Jocelyne Klur L’ancien commissaire des renseignements généraux, employé de LVMH, qui prend contact pour négocier avec la famille aurait pu avoir un César de second rôle pour son sens de la répartie. Ses répliques oscillent entre « Bourdieu et Michel Audiard » Marc-Antoine Jamet, ancien directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale, joue le parfait porteur de serviettes. La plus belle réussite est l’effet de réalité. Les masques tombent. » Dans la forme, je ne voulais pas un documentaire académique avec des professeurs qui viendraient expliquer la répartition des richesses. Non, je voulais un film transclasse qui puisse être compris par des intellectuels et des ouvriers ».
Et après ? l
L’alliance d’une partie du mouvement ouvrier, de Fakir est détonante. François Ruffin est un activiste à la mode anglo-saxonne. La petite musique Ruffin est entendue par la France d’en bas. Ancien reporter pour l’émission Là-bas si j’y suis sur France Inter, et collaborateur au Monde Diplomatique, auteur de Les petits soldats du journalisme, La guerre des classes et Quartier Nord, François Ruffin a théorisé un journalisme socialement engagé, aux côtés des travailleurs, qui s’invite dans les assemblées générales d’actionnaires et sait utilise le « Buzz ». La tranquillité d’esprit, l’assurance calme, laissent percer une vraie détermination exigeante. Quand il fait du judo mental avec Apathie sur Europe 1, Pinson et Charlot sont vengés de l’éreintement face à Léa Salamé. En 1840, le travail de Villermé sur la misère sociale déboucha sur de grandes réformes. Suite à cet électrochoc, une autre doxa est-elle possible ?
« Un film drôle et salutaire. » Robert Guédiguian
« Après Merci patron !, l’énergie positive, l’envie d’impertinence, le besoin d’en découdre, l’enthousiasme de la transgression envahissent le spectateur. » Monique et Michel Pinçon-Charlot
« Ce film raconte une bagarre. Celle d’une bande de David joyeux et astucieux qui affronte un gang de Goliath pompeux et peureux. Tous les coups sont permis, et surtout les plus drôles : ici, la lutte des classes emprunte sa chorégraphie aux récits de corsaires et à … Gaston Lagaffe. » Pierre Rimbert et Serge Halimi
« Comment dire : c’est énorme. mais alors énorme, énormissime. Tout. On se pince, on se dit qu’on a la berlue. » Frédéric Lordon