Aimé Césaire irait-t-il au Zénith de Saint-Etienne ?
2 avril 2016Le 8 janvier, Maurice Vincent procédait au baptême de l’esplanade du Zénith ( Saint- Etienne Loire). Le nom ? « Aimé Césaire ». En marge de l’image d’Epinal son neveu Gilles Roussi raconte son inventaire sur la mémoire. Pourparlers publie le discours mémoriel de Maurice Vincent à Aimé Césaire.
Comment avez vous vécu le choix de l’esplanade du Zenith, temple d’une culture « packagée » pour être baptisée Aimé Césaire ?
Garer ma voiture sur le parking du Zenith pour aller me cultiver un peu et me dire je me gare sur l’esplanade Césaire , j’avoue que ça me fait un peu plaisir. La république se doit à ses enfants : Césaire en fait partie. Que Césaire aujourd’hui soit un aéroport, une place une rue , n’illustre pas son parcours solitaire du temps de son vivant, et le devoir de culture. J’ai le souvenir d’un directeur d’une école d’art qui se vantait de connaître les acteurs du surréalisme. Le directeur de St Etienne (Bonaval) lui glissait à ce moment : tu es à côté du neveu de Césaire fait gaffe à ce que tu dis…Ce dernier répondit ..Césaire c’est qui ? Aimé Césaire, homme de gauche, poète, homme engagé se voit honorer dans beaucoup de villes de la Métropole alors que la Martinique reste l’enfant malade de la République. Hommage du vice à la vertu ? OUI ! En résumé c’est bien ça : de la vraie doctrine chrétienne une place par ci une rue par là… : emballez c’est pesé pas la peine de se pencher sur le vrai problème : celui de considérer l’héritage d’une terre exploité au bon vieux temps des colonies.
Le métissage comme Edouard Glissant semble le suggérer dans l’ensemble de son oeuvre? L’anticolonialisme ?
Bien sûr l’anticolonialisme c’est évident , à noter également l’ignorance , voire l’absence de référence de Frantz Fanon : son oeuvre est majeure dans ce domaine …Pas beaucoup de rue à son nom, pas de place non plus …Mais bon c’est la rançon du combat : le combat désespéré et inégal de l’égalité face aux désirs insatiables de cette société . Oui encore une fois le colonialisme est sans doute l’abrutissement des colonisés.
Pour Edouard le métissage serait une solution mais au final , pour ma part, il aboutit à la « dilution » je reprendrai une maxime que j’avais inscrite à une exposition sur un catalogue d’exposition réalisée au ministère des Dom Tom « être original c’est revendiquer ses origines! ».
Je suis pour ma part un « métisse » mais issu d’une mère juive et athée et d’un nègre ce qui ne m’a pas empêché d’être avant tout munis d’un caractère rebelle à l’égard du compromis et de l’allégeance vis à vis d’un pouvoir sourd aux demandes de libertés, d’égalités et de fraternité. En fait je revendique , de part mon nom, « roussi » ce sobriquet remis à mes ancêtres en mille huit cent quarante huit: roussi comme le brûlé j’avoue avoir une certaine fierté d’avoir connu mon arrière grand mère qui était née esclave . Césaire aimait à dire souvent ce proverbe africain : si tu ne sais où aller ….regarde d’où tu viens! On ne se refait pas!