La bataille du journalisme connecté par Charlotte Bonnet

La bataille du journalisme connecté par Charlotte Bonnet

29 janvier 2018 0 Par Jean-Pierre Jusselme

Avant de monter sur le ring, les combattants ont tous leurs rituels. Certains embrassent leur porte bonheur, d’autres ont une prière secrète, d’autres encore se remémorent une ancienne victoire, déroulant dans leur esprit chaque coup décisif d’un match devenu mythique. 

Image 6 La bataille du journalisme connecté Round 1

Pour beaucoup, Bob Woodward et Carl Bernstein, les reporters à l’origine de l’affaire du Watergate, incarnent le héros journaliste par excellence. Leur enquête, érigée en exemple du journalisme d’investigation (prix Pulitzer de 1973), illustre la force du quatrième pouvoir, Richard Nixon étant envoyé au tapis et contraint à démissionner de la présidence le 9 août 1974. Immortalisés deux ans plus tard par Robert Redford et Dustin Hoffman dans le film de l’Américain Alan J. Pakula, All the President’s Men/Les hommes du président (huit nominations aux oscars), nos deux figures du journalisme tapent à la machine à écrire et communiquent à l’aide d’un téléphone relié à un fil ou grâce à de subtiles codes : Bob Woodward raconte qu’il utilisait un pot de fleur et un drapeau rouge placés devant une fenêtre sur son balcon pour signaler à sa source principale qu’ils devaient se retrouver. Cette source, dont l’identité a été dévoilée le 31 mai 2005 par le magazine américain Vanity Fair, n’était autre que William Mark Felt alias Gorge Profonde, alors directeur adjoint du FBI.


Comment Bob Woodward et Carl Bernstein auraient-ils mené leur investigation à l’heure du web 2.0 ? Auraient-ils choisi le papier ou la toile pour publier leurs révélations ? Auraient-ils eu recours à des infographies pour expliquer leurs découvertes ? Auraient-ils réalisé un webdoc pour accompagner leur sujet ? Et surtout auraient-ils été seuls sur le coup ?

 

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Image 14 La bataille du journalisme connecté Round 1

Le dessinateur T0ad croque les war logs irakiens pour le site web du Monde, une illustration reprise par OWNI

Avec l’arrivée du numérique on pourrait remiser nos idéaux journalistiques au placard et se dire que sur le web il n’y a pas de place pour le journalisme, celui dit de qualité ; que seules des brèves, des infos copiées-collées et les actus people font le buzz et remportent assez de clics.

Ce serait oublier la récente affaire Cahuzac lancée par le journal en ligne Mediapart. Ou l’incroyable aventure OWNI, visionnaire de l’information en ligne qui a reçu deux années de suite, en 2010 et 2011, le titre de « Meilleur site d’informations en ligne, en langue non anglaise », décerné par l’Association américaine de l’information en ligne (ONA). Ces militants de l’open data, avaient notamment mis au point les « War Logs », l’application permettant de visualiser les documents confidentiels de l’armée américaine sur la guerre en Irak divulgués par WikiLeaks fin 2010.

Preuve si il en est que tout en transformant le journalisme en profondeur, aussi bien ses pratiques, ses acteurs et ses supports, le numérique ne dicte pas son contenu et encore moins sa raison d’être. Mais justement que faut-il écrire sur le web et comment ? Avec Internet non seulement l’information est partout mais chacun d’entre nous peut la créer en prenant la parole à l’aide des outils numériques. Dans une course folle à l’information, aujourd’hui encore plus qu’hier, le rôle du journaliste doit être défini. Et si finalement l’arrivée du numérique était une chance ? Celle de pouvoir retracer les contours d’une profession en crise dans laquelle la société n’accorde plus sa confiance.


La grande aventure du numérique : entre vagues d’inquiétudes et explorations